Contact
Email
Instagram
Facebook


Parcours
Je conjugue l’activité de plasticienne et celle d’éditrice jeunesse. Auparavant, j’ai exercé différentes professions dans la presse, la médiation artistique, l’édition multimédia, l’ingénierie pédagogique, la communication audiovisuelle.

Prix Talents Contemporains 2014,
Fondation François Schneider,
acquisition de “L’abc de l’eau”.


Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, félicitations du jury.


Comme beaucoup qui se sont ennuyés enfants, Gaëlle Callac s’est éprise de dictionnaires, livres anciens, catalogues et abécédaires. Et toute son œuvre porte l’empreinte de l’enfance.

Car, d’un travail à l’autre, l’artiste joue avec les mots et avec les images, nous proposant d’y dérouler notre propre fil, d’inventer et de poursuivre notre propre récit.

Or tout récit ne trouve-t-il pas sa genèse dans l’alphabet ? C’est ce que semblent indiquer les deux Abécédaires dessinés à ce jour, celui de l’eau et celui du feu. Eau comme le son O, lettre à laquelle vont s’en articuler d’autres au fil des images, soit vingt-six titres comportant le mot eau, sous l’égide de Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves : autant d’images en eau-forte sur les pages de titre de livres qui s’offrent au lecteur-regardeur comme de petites énigmes à déchiffrer ­ — telle l’échelle incongrue de Suer sang et eau, ou encore le crâne, le masque et la plume, la pipe qui voguent au fond de l’eau pour Meurtre en eau profonde.

Bachelard ayant écrit La Psychanalyse du feu, par un jeu d’échos subtils, l’artiste élabore en suite un ABC du feu. Ne dit-on pas d’un mort « Feu cet être » ? Alors du feu Gaëlle Callac fait le signe ambivalent de la mort et de la vie, à l’image d’une allumette qui s’enflamme aussi vite qu’elle s’éteint. Et elle utilise cette encre de Chine dont on dit qu’elle était autrefois utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise pour soulager la douleur des brûlures. Ainsi, choisissant des pages de titres qui, toutes, comportent le mot « feu » — L’Arbre qui avait pris feu, L’Eau et le Feu, Feux,etc. — elle dessine des flammes vivaces et élancées dont le corps volatil se compose de centaines de petits points rouges assemblant des mots, tels les points rouges d’une cigarette dans la nuit.

L’artiste aime les jeux de la rencontre et du hasard, et sait accueillir les textes et les auteurs qui viennent à elle : les écrits du Facteur Cheval, les poèmes de Paul Éluard, les textes d’André Breton et Paul Nougé, l’œuvre picturale d’André Magritte et de Jean Le Gac, les grands dessins de Laurie Lipton. Mais aussi Éric Rohmer et les films de la Nouvelle Vague dont elle reprend la simplicité dans trente-quatre courtes vidéos, soit trente-quatre plans séquence d’une durée maximale d’une minute, véritable hommage à l’allégorie où de nouveau, se retrouvent des livres, cette fois mis en scène — La Psychanalyse du feu s’embrase, L’Homme violet se couvre de pâquerettes et Requin s’échoue dans une baignoire… Toutes les figures de style invitent ici à imaginer son propre récit.

Les surréalistes, mais aussi Michel Butor, auquel l’artiste a consacré un Leporello sous forme de deux histoires : « À l’écart » et « Le rêve suivant », dont l’héroïne n’est autre que la conservatrice de la maison de l’écrivain.

Goût pour la lettre, choix de contraintes voulues : on songe au lettrisme et à l’OULIPO. Du lettrisme et d’Isidore Isou, Gaëlle Callac reconnaît l’affiliation, mais dit aussi sa passion pour les calligrammes de Guillaume Apollinaire, pour les écrivains qui dessinent, tels Georges Perros, Henry Miller et tant d’autres, pour les livres qui évoquent des énigmes autour de tableaux tels Le Chef-d’œuvre inconnu, de Balzac ou L’Autre Versant de Bruno Gay-Lussac. De l’OULIPO, elle retient certes le goût de la règle et de la contrainte que l’on se donne à soi-même, mais il y a chez elle une légèreté, une subtilité, un ludisme aussi qui l’éloignent de la gravité et de l’esprit de sérieux. À Georges Pérec, elle dit d’ailleurs préférer le mystère de Raymond Queneau.

Le mystère, tout aussi bien, des rencontres, des rêves, de ces trèfles à quatre feuilles qu’elle collectionne, de ce poème enfin qui jaillit de L’Image de Samuel Beckett, après que le caviardage en rouge des pages de ce court récit sans ponctuation laisse apparaître les mots étonnants d’un cadavre exquis.

Amour dédié aux livres, aux images, au jeu, œuvre arborescente qui rencontre l’érotisme chez Benoît Junod avec Loves — corps délicatement dénudé d’une jeune femme qui referme ses mains sur le gland d’un chêne…

Gaëlle Callac se joue des jeux de mots, des dictons, des paroles toutes faites, qu’elle fait d’ailleurs éclater dans son dernier opus, Po/L’Éclatement, un récit vécu, écrit et imagé sous l’auspice du Yi king, un des classiques de la littérature chinoise, dont le titre peut se traduire par « Livre des mutations », et qui, à l’origine, est un traité de divination. Une nouvelle fois, l’artiste y manipule les mots — avenir et art, navire et rat, etc. — et se donne une triple contrainte durant un mois : interroger le Yi king le premier août - faire chaque jour, mais librement, une photographie – enfin analyser l’influence de l’oracle sur cette production, et vice-versa. Les mots dérivent vers anagrammes et homophonies, tandis que les Polaroïds saisissent ici une fourrure, là une couverture de livre, ailleurs une fenêtre en bois ou la feuille chue d’un arbre.

Mais la mutation ne s’arrête pas là : ayant déjà eu plusieurs vies, comme les chats, et autant de professions, curieuse de tout, ardente, Gaëlle Callac, libérée du regard des autres et de toute aspiration à la renommée, envisage maintenant de déployer ses récits sur écran pour y inventer une nouvelle poétique du Verbe.

Dominique Baqué
Janvier 2023




Jouer avec les mots autant qu’avec les images : voilà ce qui anime le travail de Gaëlle Callac. Car les mots ont pour elle une importance capitale. Qu’ils apparaissent au cœur de ses œuvres ou que leur présence se fasse plus discrète dans des titres particulièrement choisis, ils participent d’un même mouvement narratif.

Depuis une quinzaine d’années, elle déploie un récit susceptible de trouver un écho dans l’esprit de chacun : un récit de l’intime qui ne serait pas personnel, mais au contraire, se ferait universel, dans le refus de ce que Gilles Deleuze appelait la « petite affaire privée ». Dès lors, l’usage de media jugés désuets – le super-8, le collage, la gravure – et le recours à des référents subtilement surannés – la carte postale ancienne, le proverbe, l’abécédaire – réveillent une mémoire collective un peu endormie, à l’âge du tout numérique et de ses nombreux avatars.

L’esthétique de Gaëlle Callac doit de loin en loin au surréalisme, celui des collages de Max Ernst, des peintures de René Magritte ou des 152 proverbes de Benjamin Péret et Paul Eluard. Elle se montre également très marquée par l’écriture cinématographique issue de la Nouvelle Vague, dont l’épure n’exclut pas un certain lyrisme.

Camille Viéville
Catalogue du 59e Salon de Montrouge

© 2024 Gaëlle Callac